Souveraineté alimentaire : la filière pomme-poire établit quatre conditions essentielles avant d’engager les négociations

Face aux multiples défis mondiaux qui secouent l’agriculture et l’alimentation, la question de la souveraineté alimentaire prend une importance capitale. En 2025, la filière pomme-poire française se positionne au cœur de ce débat en posant quatre conditions indispensables avant d’entamer toute négociation. Ces exigences traduisent les enjeux profonds d’une production locale durable, d’un approvisionnement maîtrisé, et d’une autonomie alimentaire garante d’une qualité élevée des fruits proposés aux consommateurs. La filière souligne également que ces discussions doivent s’inscrire dans une perspective économique agricole solide, capable de soutenir la vitalité et la pérennité des exploitations.

Dans un contexte marqué par la récente déclaration de la Ministre de l’Agriculture lors du lancement des Conférences de la souveraineté alimentaire au MIN de Rungis, ces conditions énoncées par l’Association Nationale Pommes Poires (ANPP) prennent une résonance particulière. Elles visent à construire une stratégie agricole nationale cohérente et pérenne pour la décennie à venir. Le secteur insiste notamment sur la nécessité de connaître précisément le potentiel de production français, d’autoriser des innovations techniques respectueuses de l’environnement, de garantir un soutien financier pérenne, et d’assurer un approvisionnement majoritairement français dans la grande distribution.

En 2025, assurer la souveraineté alimentaire ne signifie plus simplement produire en quantité, mais surtout garantir la qualité, la durabilité, et l’autonomie dans un secteur sensible et stratégique comme celui de la pomme et de la poire. C’est donc un appel clair à une prise de conscience collective, publique et privée, nécessaire pour préserver cet héritage agricole et répondre aux exigences actuelles de sécurité alimentaire sur le territoire.

En bref :

  • 📌 La filière pomme-poire impose quatre conditions avant toute négociation dans le cadre des Conférences de la souveraineté alimentaire.
  • 🍏 Un besoin urgent d’avoir une mesure précise et fiable de la production locale de pommes et poires est souligné.
  • ⚙️ L’autorisation de nouvelles techniques innovantes et respectueuses de l’environnement, comme l’usage de l’ozone et des technologies phytosanitaires avancées, est demandée.
  • 💶 La souveraineté passe aussi par la sécurisation des financements des programmes opérationnels dédiés à la modernisation des vergers.
  • 🥇 L’approvisionnement 100 % français des compotes sous marque distributeur est revendiqué pour soutenir l’économie agricole nationale.

Les enjeux cruciaux de la souveraineté alimentaire pour la filière pomme-poire en 2025

La souveraineté alimentaire, concept désormais central dans le débat politique et agricole, désigne le droit des peuples à déterminer leurs propres politiques agricoles et alimentaires, favorisant ainsi une production locale durable. Pour la filière pomme-poire, cette notion dépasse la simple production : elle implique un contrôle rigoureux de toute la chaîne de valeur, depuis la culture jusqu’à l’assiette du consommateur. L’enjeu 2025 est alors le maintien d’un équilibre entre autonomie alimentaire et compétitivité économique.

Plusieurs crises mondiales récentes, notamment les perturbations économiques liées à la pandémie, les conflits en Ukraine, ainsi que les défis climatiques, ont démontré la fragilité des systèmes agroalimentaires basés sur une dépendance accrue aux importations. Dans ce contexte, la filière pomme-poire pose la question essentielle d’un approvisionnement sécurisé en fruits de qualité sur le territoire français.

La production locale devient ainsi une condition sine qua non pour garantir non seulement l’accès à des fruits frais mais aussi pour préserver la vitalité des exploitations et la diversité des variétés adaptées aux terroirs français. Cela s’inscrit dans une perspective durable qui favorise la biodiversité, la conservation des sols et l’adaptation au changement climatique.

En lien étroit avec cette vision, le soutien à l’économie agricole passe également par la mise en œuvre de stratégies innovantes telles que décrites dans le Plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, dont la filière pomme-poire fait partie intégrante. La filière cherche ainsi à intégrer les avancées technologiques tout en renforçant la capacité d’adaptation des exploitants, au service d’une souveraineté alimentaire renforcée.

La complexité des filières, le besoin de données précises, et la nécessité d’investir dans des pratiques écologiquement responsables font de la souveraineté alimentaire un défi majeur que la filière pomme-poire souhaite relever avec des partenaires engagés, dans un cadre réglementaire clair et favorable.

Connaissance précise de la production : un préalable indispensable à toute négociation équilibrée

Au cœur des ambitions de la filière pomme-poire pour 2025 se trouve la revendication de disposer d’une donnée fiable sur le volume et la qualité de la production locale. Pierre Venteau, directeur de l’ANPP, alerte sur l’absence de mesures précises à l’échelle nationale, mettant en lumière des écarts importants entre les données du Recensement Général Agricole (RGA) et celles fournies par Agreste. Ces différences fragilisent la prise de décision et fragilisent la feuille de route des négociations.

Le RGA inclut dans ses calculs des surfaces de vergers peu productives ou abandonnées, ce qui fausse la réalité du potentiel commercialisable. Agreste, quant à lui, collecte ses données principalement par sondage lors de la déclaration PAC, un processus qui omet de distinguer correctement les pommes de table des pommes destinées à la transformation, ou encore ne différencie pas la production biologique, qui demande une analyse plus fine.

Pour pallier ces insuffisances, l’ANPP propose l’usage de technologies avancées telles que le traitement d’images satellites et de radars assistés par intelligence artificielle. Ces outils permettraient d’obtenir une cartographie précise des superficies productives et d’identifier les spécificités cultivées à un coût conséquent néanmoins évalué à environ 150 000 euros par campagne. Une autre alternative serait de rendre obligatoire et plus détaillée la déclaration lors de la PAC.

Ces précisions sont cruciales car la souveraineté alimentaire ne peut se construire sur des suppositions. Il est nécessaire d’objectiver l’offre réelle pour définir les volumes à protéger, soutenir ou développer. Sans cette base, toute négociation risque d’être déconnectée de la réalité du terrain, avec des risques importants pour la durabilité des exploitations et la stabilité des prix.

Cette démarche rejoint les analyses publiées dans l’article Qu’entend-on par souveraineté alimentaire, qui insistent sur l’importance d’une maîtrise fine de la production pour garantir la sécurité alimentaire nationale.

Les outils innovants pour une meilleure connaissance de la production

  • 📡 Imagerie satellite et radar pour cartographier les vergers en temps réel
  • 🤖 Intelligence artificielle pour distinguer les espèces et variétés cultivées
  • 📊 Recensement précis obligeant la distinction entre pommes de table et pommes à jus
  • 📝 Renforcement des déclarations dans la Politique Agricole Commune (PAC)

Ces méthodes permettraient d’anticiper les besoins, d’adapter les aides et de mieux coordonner l’ensemble des acteurs, condition essentielle pour une souveraineté alimentaire véritablement assurée.

Innovations techniques et phytosanitaires : lever les interdictions pour renforcer la filière pomme-poire

Parallèlement à la nécessité de mieux mesurer la production, la filière pomme-poire plaide pour l’autorisation de nouvelles techniques d’application des produits phytosanitaires à faible impact environnemental. En effet, l’optimisation des traitements est non seulement un enjeu de compétitivité mais aussi de durabilité écologique.

Deux techniques sont particulièrement mises en avant : les systèmes PulVéFix et la micro-injection dans l’arbre. Ces innovations permettent d’appliquer des doses équivalentes de produits tout en réduisant les risques de dérive et d’exposition pour l’environnement et les travailleurs agricoles. L’efficience de ces méthodes est essentielle pour maintenir la qualité des fruits tout en respectant les exigences sanitaires.

Une autre revendication forte concerne l’autorisation de l’usage de l’ozone dans le processus de conditionnement et de stockage. Actuellement interdit sur les pommes en France, ce traitement est pourtant reconnu depuis longtemps pour ses propriétés désinfectantes et sa capacité à prolonger la durée de conservation des fruits. Il est utilisé dans d’autres secteurs tels que la potabilisation de l’eau ou le traitement des salades de 4ème gamme. Cette pratique est aussi courante dans plusieurs pays européens qui exportent vers la France, créant une situation paradoxale difficilement justifiable.

Le recours à l’ozone contribuerait à réduire significativement les pertes post-récolte, améliorerait la qualité de l’approvisionnement et renforcerait l’autonomie alimentaire par une meilleure valorisation des fruits issus de la production locale. Cette demande s’inscrit pleinement dans une stratégie durable, conciliant protection de l’environnement et exigences économiques.

Ces avancées techniques sont également indispensables pour répondre aux défis climatiques et sanitaires qui impactent la filière, comme cela est souligné dans les recommandations générales de France Nature Environnement sur la souveraineté alimentaire et l’adaptation des pratiques agricoles.

Les avantages majeurs des nouvelles techniques phytosanitaires

  • 🌿 Réduction des doses de pesticides pour un impact environnemental diminué
  • 💧 Moindre dérive des produits, meilleure protection des zones voisines
  • 🌱 Amélioration de la qualité sanitaire et de la conservation des fruits
  • 👨‍🌾 Protection renforcée des travailleurs agricoles contre les expositions

Maintenir les financements des programmes opérationnels : un levier stratégique pour la compétitivité

Historiquement, la pomiculture française a pu bénéficier d’une modernisation soutenue grâce aux dispositifs de programmes opérationnels. Ce mécanisme, ouvert aux adhérents d’organisations de producteurs reconnues, a mobilisé des fonds européens, complétés par des contributions des producteurs eux-mêmes. Il a permis d’introduire de nombreuses innovations telles que la confusion sexuelle pour lutter contre les ravageurs, les filets anti-grêle, ou encore des systèmes d’irrigation plus économes et fiables.

En 2025, la filière pomme-poire exprime une inquiétude majeure face à la menace que représente le projet de nationalisation de ces financements dans la prochaine PAC 2028-2034. Alors que ces programmes ne sont pas plafonnés, le transfert de la gestion aux États membres risquerait de réduire fortement les montants alloués, limitant de facto les capacités d’investissement et d’innovation dans les vergers français.

Ce changement pourrait affecter durablement la compétitivité de la filière et compromettre des avancées considérables qui ont permis de renforcer la qualité et la durabilité de la production locale. L’ANPP exhorte donc l’État à garantir non seulement le maintien des programmes mais aussi la conservation des montants actuels destinés à cet appui stratégique.

Un tableau récapitulant l’impact probable de cette réforme est présenté ci-dessous :

🔍 Critère✅ Situation actuelle❌ Risques liés à la nationalisation
Montants allouésFinancement européen et contributions des producteurs – sans plafondLimitation du budget par État membre – risque de baisse des montants
InnovationIntroduction régulière de nouvelles techniques et équipementsRéduction des capacités d’investissement et ralentissement des innovations
Modernisation des vergersSoutien à la mise en place de technologies et pratiques durablesImpact négatif sur la compétitivité et la durabilité de la filière
Autonomie alimentaireRenforcement de la production locale grâce à des soutiens ciblésAffaiblissement du soutien à la souveraineté alimentaire nationale

La pérennité économique de la filière dépend de ce levier financier incontournable. Le dialogue entre acteurs privés, producteurs et pouvoirs publics est donc essentiel pour préserver cette ressource stratégique face aux défis actuels.

La sécurisation de ces programmes opérationnels conditionne la capacité des producteurs à répondre efficacement aux exigences de qualité, de durabilité et de compétitivité sur le marché national et international.

Approvisionnement local et exigence d’un sourcing 100 % français dans la grande distribution

Enfin, la filière pomme-poire met en lumière un paradoxe important en matière d’approvisionnement, particulièrement visible pour les compotes de pommes en marque de distributeur (MDD). Depuis plusieurs années, si le marché du frais privilégie majoritairement les pommes françaises, la situation est très différente pour les produits transformés.

Selon les analyses 2024, environ 46 % des volumes de compotes sous MDD sont vendus en France, mais les distributeurs s’approvisionnent souvent hors du territoire national, avec des pommes importées d’Italie, d’Espagne ou de Pologne. Cette situation engendre non seulement un gaspillage possible de stocks français disponibles — récemment près de 4 000 tonnes de pommes françaises ont stagné en chambre froide — mais aussi une perte de valeur ajoutée pour l’économie agricole locale.

La filière demande donc un engagement ferme et préalable des distributeurs pour garantir l’approvisionnement en pommes françaises dans la transformation, assurant ainsi un cercle vertueux bénéfique à la fois pour les producteurs et les consommateurs. Ce positionnement s’inscrit dans une volonté plus large de renforcer la souveraineté alimentaire en réconciliant production locale et valorisation économique.

Les attentes formulées s’appuient sur un dialogue constructif avec l’ensemble des acteurs, notamment dans le cadre des prochaines conférences de souveraineté alimentaire, où la filière pomme-poire espère poser ces bases indispensables au succès des négociations à venir.

L’importance de ces mesures est renforcée par les enjeux sanitaires, écologiques et économiques liés à la qualité des fruits distribués, avec une exigence croissante des consommateurs pour des produits durables, locaux et traçables.

Qu’entend-on précisément par souveraineté alimentaire ?

La souveraineté alimentaire désigne le droit pour chaque pays ou région de déterminer et contrôler ses propres politiques agricoles et alimentaires, afin de garantir la production locale et l’accès à une alimentation de qualité.

Pourquoi la filière pomme-poire insiste-t-elle sur la connaissance précise de la production ?

Une connaissance fiable des volumes et de la qualité de la production est essentielle pour définir des stratégies adaptées, éviter les surproductions ou pénuries, et garantir un approvisionnement stable dans le cadre de la souveraineté alimentaire.

Quels sont les bénéfices attendus des nouvelles techniques phytosanitaires proposées ?

Les techniques comme la micro-injection et les systèmes PulVéFix permettent une application plus précise et économe des produits, réduisant les risques environnementaux tout en améliorant la qualité sanitaire des fruits.

Quel impact pourrait avoir la nationalisation des financements sur la filière ?

Elle pourrait réduire les montants disponibles, limiter les innovations et freiner la modernisation des vergers, compromettant ainsi la compétitivité et la durabilité de la production locale.

Pourquoi est-il important que la grande distribution privilégie un approvisionnement français pour les compotes ?

Cela soutient l’économie agricole locale, évite le gaspillage des stocks français et contribue à renforcer la souveraineté alimentaire en valorisant la production nationale.

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